Féminin
Une librairie féministe qui fleure bon la violette
8 avril 2019
C’était ce jour et cette heure. Mais si ! Vous savez ! Ce jour et cette heure où dans l’air se diffuse cette odeur si douce et si spéciale. L’odeur…de l’arrivée du week-end tant espéré. Devant la librairie dans laquelle je me rends, cohue.
Surprise et amusée, je noterai dans quelques secondes qu’elle ne s’est pas formée devant la librairie Violette and Co mais devant l’organisateur du casting de musiciens RATP. La porte à côté 🙂 L’espoir d’une vie qui va bientôt changer…
Puis, retour à la réalité. Je pousse la porte de ce temple du livre à la façade rose fuchsia, orné de poutres en bois.
Silence propre aux librairies. Quelques clientes feuillettent dans le calme. Librairie toute en longueur, cosy. Mais un voile plane…
Le 31 mars dernier, Julia, jeune femme transgenre, c’est faite agressée Place de la République, à Paris. Pourquoi ? Parce qu’elle n’était pas…Pas comme ils auraient aimé, pas comme ils auraient désiré. Alors ils l’ont tabassée.
C’est, entre autres, pour dénoncer ça que la librairie Violette and Co est là. Librairie féministe et LGBT s’il en est. Librairie « de transmission, pas militante mais ouverte et passeuse d’idées ». comme défend Christine Lemoine, une des deux libraires et créatrices des lieux que j’ai rencontrée.
Comment est née la librairie ?
C’était en 2004, mais l’idée a surgi au début 2003 pour plusieurs raisons. D’abord, à Paris il ne restait plus qu’une seule librairie LGBT, dans le Marais (ndlr : Les mots à la bouche), il y avait donc de la place pour nous. Par ailleurs, il n’y avait plus, depuis longtemps, de librairie féministe. Et puis, des raisons personnelles…des changements d’orientation…
La librairie fête ses 15 ans. Quelles évolutions avez-vous pu noter dans les publications ou chez vos lecteurs/lectrices ?
Pour les titres, il n’y a pas eu de réel changement, nous sommes restées fidèles à nos envies, à nos choix mais il y a effectivement eu des petites adaptations. Par exemple, depuis 2 ans , le rayon BD a pris de l’ampleur mais nous avions un rayon de livres en anglais que nous avons finalement abandonné.
Si on peut continuer à faire la même chose (notamment en sciences humaines), c’est parce qu’il y a des publications. Enfin…sauf pour les lesbiennes. Il y en a peu. Les éditeurs sont frileux, la plupart des essais sont issus d’une thèse, d’un travail de recherche. Or à l’Université en France aujourd’hui, pas vraiment facile de poursuivre une recherche sur le lesbianisme. Il faut savoir que ça peut bloquer des carrières. Carrément !
Quant aux personnes, je dirais qu’il y a plus de jeunes . Notre public est resté plutôt féminin même si il y a une vraie offre gay, mais le fait que la librairie soit tenue par deux femmes, qu’il y ait une autre librairie dans le Marais plus pour les garçons, tout ça nous écarte un peu de ce public. Alors bien sûr, on a des gays du quartier ! En revanche, je trouve qu’on a plus de garçons qui viennent (pas forcément gays) pour se documenter sur le côté féministe et sur la question du genre. Et comme toutes les librairies, on a notre clientèle de quartier. Celle qui aiment nos choix littéraires. Qui adhère à la marque qu’on imprime dans ce lieu.
Quelle est la spécificité de votre librairie ?
On privilégie la littérature et les essais mais on a aussi des rayons beaux arts, jeunesse, BD, romans policiers, poésie, théâtre etc.
Pour les essais, c’est assez facile de repérer ce qui correspond à nos thématiques. Mais notre souhait est vraiment d’élargir à des livres qui traitent des discriminations au sens large, notamment pour la jeunesse. On essaye de sélectionner des livres pas forcément féministes mais qui ont le mérite de ne pas reproduire de stéréotypes. Quels qu’ils soient. On a des livres qui traitent du racisme, de l’homosexualité, de l’homoparentalité. Pour la BD, c’est pareil. En littérature, c’est plus complexe mais il y a des livres « évidents ». Par exemple, le dernier Chloé Delaume « Mes bien chères soeurs ».
Alors oui, on privilégie les femmes mais ce n’est pas parce que c’est une femme qui l’écrit qu’on va le prendre et pas parce que c’est un homme qu’on ne le prendra pas. Ca dépend des thématiques. Puis il y a des autrices qu’on aime bien et qu’on a envie d’avoir. Là , c’est vraiment très personnel. Enfin, il y a quelques livres dans la Rentrée littéraire qu’on va sélectionner parce qu’on sait qu’on nous les demandera, ou parce qu’on pense que la presse en parlera.
D’où vient le nom de votre librairie « Violette and co »?
1 – C’est un hommage à Violette Leduc, écrivaine qu’on aime beaucoup. (ndlr : Violette Leduc est une grande romancière du XXème siècle, protégée par Simone de Beauvoir, qui a exploré les thématiques du corps et du désir. Elle a su dire les pièges et les faux-semblants dont étaient victimes les femmes de son temps)
2 – Raisons personnelles…chuuut !
3 – Ca fait référence au bouquet de violettes, sorte de signe de reconnaissance, ni bleu ni rose…
4 – « And co… » ? : c’est un petit clin d’oeil modeste à l’américaine Sylvia Beach, grande figure de la vie littéraire parisienne, fondatrice en 1919 de la librairie Shakespeare and company.
Pour finir, Violette and Co en 3 mots ?
Féministe, LGBT…et Ouverture !
Violette and Co, 102, rue de Charonne, 75 011 Paris, Métros Charonne (L9) ou Faidherbe-Chaligny (L.8). Librairie ouverte du mardi au samedi de 11h00 à 20h30, le dimanche de 14h00 à 19h00. Tel : 01 43 72 16 07. Email : violette@violetteandco.com. Page Facebook : ICI. Site web : www.violetteandco.com
La librairie organise également des rencontres, des ateliers, des expositions, des lectures publiques. Ca se passe en haut de l’escalier. Juste ici :
Et le programme d’Avril de la librairie, c’est par là :
Il était une fois… 2019