Féminin
Let’s Béguines with…sorority !
21 juin 2019
Voilà des semaines que je voulais vous les présenter.
Voilà des semaines que je n’arrivais pas à bien tout agencer.
Voilà des semaines que je ne savais pas comment tout cela allait bien pouvoir se coordonner.
Mais ça y est ! J’ai trouvé ! Je viens de finir le texte et manifeste puissant de Chloé Delaume« Mes bien chères soeurs« , et tout fait sens. Mais oui, c’est bien sûr, voilà comment je vais vous introduire à cette communauté, qui lors d’une de mes échappées, m’a tant intriguée !
La sororité selon Chloé ? « Une communauté soudée, animée par la même volonté de déjouer les stratégies paternalistes et la violence sexiste ordinaire (…) La sororité est une attitude. Ne jamais nuire volontairement à une femmes (…) La sororité est incluante, sans hiérarchie ni droit d’aînesse. Cercle protecteur, horizontal (…) Une connivence tacite, communauté complice aux liens indéfectibles »
Il est évident pour moi que les Béguines, que je m’en vais vous présenter, sont dans la lignée parfaite de cette définition de la sororité.
LET’S BEGUINES WITH… SORORITY !
Ce sont elles qui, bien avant nous, avaient tout compris !
Et si les béguines étaient les ancêtres de cette communauté rêvée à laquelle Chloé Delaume nous invite à aspirer ? Une communauté de solidarité, d’entraide, de non-jugement, d’acceptation de l’altérité, où l’homme, sans être une nécessité, ne doit pas être un danger.
Lors d’un week-end à Gand en Belgique, il y a quelques semaines, je suis tombée sur un petit article sur ces femmes hors du commun : les Béguines.
J’ai ensuite demandé à Ludo Collin, historien, prêtre du diocèse de Gand, recteur de la cathédrale de Gand et président de l’association qui gère le petit béguinage de Gand, de m’éclairer.
1 – Qui a décidé de bâtir ce béguinage en 1235 et pourquoi ?
La Duchesse de Flandre, avec Jeanne et Marguerite de Constantinople. Elles ont fondé des béguinages dans toutes les grandes villes de Flandres parce qu’on notait un surplus de femmes (hommes en croisade, plus de femmes que d’hommes qui naissent). Or le concil de Valence en France avait décidé qu’on ne pouvait plus construire de couvents pour les femmes. Il fallait donc trouver un moyen de réunir ces femmes solitaires, qu’on appelle les Béguines.
2 – Comment devenait-on béguines ? Qui étaient-elles ?
Pour devenir béguine on devait se présenter chez la grande dame, la cheffe, et on faisait son noviciat dans un des couvents. Dans notre béguinage, il y a sept couvents en tout. Elles vivaient dans de grandes maisons qui pouvaient accueillir jusqu’à 35 béguines et suivaient une formation dans le couvent. Après un certains temps, elles faisaient leurs vœux temporaires d’obéissance et de chasteté et continuaient à vivre dans le couvent. Quand elles avaient les moyens, elles pouvaient acheter une maison vide du béguinage en rente viagère, et pouvaient aller habiter seule dans cette maison. Là elles travaillaient le textile, prenaient soin des malades, ou vivaient de leurs revenus. En effet, les béguines de notre béguinage n’étaient pas nécessairement pauvres, c’étaient des filles d’agriculteurs, de commerçants, donc elles avaient des rentes et des biens. Finalement, elles vivaient un peu comme dans une colocation. Les seules obligations qu’elles avaient : se rendre jusqu’à quatre fois par jour à l’église pour assister à la messe et prier ensemble. C’est comme ça que je résumerais leur vie d’ailleurs : travailler et prier en silence.
3 – Comment décririez-vous les béguines ?
Ce ne sont pas des religieuses, elles ne font pas de voeux éternels, ni de voeux de pauvreté. Uniquement des voeux temporaires d’obéissance et de célibat. Ce sont des femmes capables, fortes. Aux caractères très différents. Très engagées dans la vie. Certaines expertes en gestion de biens, d’autres en musique, d’autres dans le travail du textile, de la dentelle, d’autres encore dans le soin des malades, des contagieux.
Et elles avaient ceci en commun qu’elles ne voulaient pas trop qu’on s’occupe d’elles. Elles voulaient être indépendantes. C’est d’ailleurs pour ça que les relations entre les évêques et elles n’étaient pas très bonnes. (rires) . Le curé devait se contenter de faire son service dans l’église mais ne devait surtout pas s’occuper de la gestion du béguinage. La gestion du béguinage, c’était pour les femmes uniquement ! Pas besoin des hommes !
4 – Quel héritage aujourd’hui de ces béguines et de ce béguinage ?
L’héritage réside surtout du point de vue du patrimoine. Ce sont des lieux protégés comme monuments historiques. Les gantois sont très fiers de leur béguinage. Lorsque je me suis « enrôlé » dans le béguinage, particulièrement à partir de 1984 (on fêtait son 750èmeanniversaire) j’ai pris l’initiative de faire une exposition ici au musée de Gand sur l’histoire du béguinage de Gand car nous en avons quand même quatre dans la ville ! A ce moment là, il y avait encore une vingtaine de béguines à Gand. Aujourd’hui, elles sont toutes décédées. Donc l’histoire des béguines en soit, est un peu perdue…
Pour retrouver toutes les informations sur ce béguinage et sur les autres béguinages de Gand, c’est par ICI
Il était une fois… 2019